Le jeune éditeur de logiciels français a été racheté par son concurrent américain Intercim.
« L'Europe et même la France arrivent désormais à faire émerger des quantités de petites entreprises innovantes. Elles ont ensuite beaucoup plus de mal à les faire se développer. » Amélie Faure sait de quoi elle parle. Présidente du jeune éditeur de logiciels Pertinence, son entreprise a été rachetée juste avant l'été par un concurrent américain, Intercim. Certes, ce rachat qui s'est effectué par échange de titres a du sens, puisque les deux éditeurs sont exactement sur le même créneau. Intercim, société privée américaine implantée à Minneapolis, est spécialisée dans la gestion du processus industriel. Pertinence a une approche plus pointue, mais parfaitement complémentaire.
Créée en 2000 par de jeunes polytechniciens, elle a mis au point des logiciels permettant d'améliorer ces processus industriels grâce à une analyse poussée des données issues de la production. L'approche, basée sur une utilisation poussée des mathématiques et des techniques proches de celles de l'intelligence artificielle, est très pragmatique. « Il ne s'agit pas de modéliser le processus industriel. De ces quantités de données, nos logiciels déduisent simplement des règles et de bonnes pratiques. On ne sait pas expliquer pourquoi tel ou tel processus physico-chimique marche, mais cela marche. C'est une démarche empirique », précise Amélie Faure. Bien implanté en Europe, notamment chez Airbus, Pertinence se trouve ainsi renforcé par lntercim qui a déjà mis un pied chez Boeing.
L'avionneur de Seattle a été très intéressé par l'outil pour améliorer la production de ses pièces en composite qui vont devenir majoritaires dans son futur Dreamliner - l'objectif étant d'améliorer la qualité des pièces finales et de faire baisser le taux de rebut. « La fabrication de pièces de composite est extrêmement complexe et s'apparente à de la cuisine avec de multiples paramètres : chaleur dans l'autoclave, vitesse de refroidissement, date de péremption des matériaux... Chez Boeing, nous avons multiplié par deux les objectifs qui nous étaient fixés. Ils ont décidé de déployer notre outil sur sept sites », se réjouit Amélie Faure, aujourd'hui directeur général du nouvel ensemble pour l'Europe.
Pas d'acheteur en Europe
L'histoire est toutefois révélatrice des problèmes que rencontre l'Europe pour garder ses pépites. Certes, l'actionnaire historique de Pertinence, Partech, reste au capital. « Nous voulions rester car nous pensons que l'histoire va être belle », explique Philippe Collombel, « general partner » chez Partech International. Mais il ne s'est trouvé aucun investisseur en Europe pour acquérir Pertinence. « Pour les grands européens du logiciel, qui ne sont pas si nombreux, Pertinence est une société trop petite. Ils ne savent pas s'y prendre », explique Philippe Collombel.
Les industriels ne sont guère plus entreprenants, explique Amélie Faure, qui a eu souvent du mal à convaincre de l'intérêt de la technologie : « Chez les industriels de l'aéronautique, on rencontre un très fort syndrome «not invented here» qui tend à repousser tout ce qui n'a pas été inventé dans les murs. Plus la culture d'ingénieur est forte, plus le syndrome est développé. Il y a en même temps un frein à l'innovation. Notre approche est en effet dérangeante pour des esprits cartésiens et suscite la suspicion. » Désormais américain, Pertinence aura peut-être plus de facilité à convaincre les industriels français...
Frank Niedercorn
2 oct 07